Tactiques et stratégies lors d'un shiai de kendô
Un petit post qui j'espère donnera quelques éclairages à nos compétiteurs dans leur préparation pour les championnats du Monde de Tokyo
Tout d'abord, histoire de planter le décor, je voulais vous livrer un texte de INOUE Sensei. Il ne faut pas généraliser non plus, et surtout en France et en Europe, nous n'en sommes encore pas là même si quelques légers signes peuvent se faire sentir ici et là.
"Avertissement" de INOUE Yoshihiko sensei en 2007
"Comme cela l’a été formulé dans un ouvrage traitant des concepts du kendo, le kendo se pratique en accord avec les principes du sabre. Toutefois, ces derniers temps, les objectifs d’entraînement au kendo se sont focalisés davantage sur la compétition et la victoire. Voilà qui revient à passer à côté de ce qu’est le kendo, et ce à bien des égards. L’objectif ultime du kendo repose sur le développement de soi. C’est non seulement vrai pour le kendo, mais aussi pour tous les budo dont l’essence repose sur la concomittance du développement personnel et la maîtrise de la technique. Toute disicpline avec le suffice Do implique une voie, un cheminement: le développement du corps et de l’esprit en communion avec des techniques. Si la technique devient l’unique objectif d’un pratiquant afin d’atteindre la victoire en compétition à tel enseigne que la technique elle-même s’en trouve altérée pour prendre le dessus, cela revient à étouffer des parties importantes du développement de soi et concourt à favoriser un comportement égotique. Ceci est contraire à l’objectif principal du kendo.
Bien sûr, c’est important d’être motivé pour gagner une compétition. Toutefois, l’idéal est de vaincre d’une façon qui s’accorde avec les principes du sabre, tels qu’ils se traduisent dans les kata de kendo. Si l’on ne l’emporte pas de cette façon, il ne peut s’agir d’une victoire légitime en kendo. Ainsi, le kata de kendo doit occuper une place primordiale même aux yeux de ceux qui ne s’attachent qu’à l’aspect compétition du kendo."
Une définition du mot "shiai"
On m'a donné un jour, comme une définition littérale du mot shiai, la signification suivante : le shiai c'est un test en conditions réelles des techniques apprises à l'entrainement.
Si quelques linguistes veulent bien nous aiguiller...
Stratégie et tactique
Les shiaïs du dernier Open de France ont confirmé mon opinion concernant la nécessité de stratégie et de tactique lors d'un combat de Kendô.
Commençons donc par les significations :
Stratégie : "Art d'organiser et de conduire un ensemble d'opérations militaires prévisionnelles et de coordonner l'action des forces armées sur le théâtre des opérations jusqu'au moment où elles sont en contact avec l'ennemi"
Tactique : "art de diriger une bataille, moyens employés pour réussir..."
Pour résumer une stratégie serait par exemple de choisir les combattants et l'ordre de l’équipe tandis que la tactique consisterait, pour chaque combattant, à faire les bons choix lors du combat.
Les outils du shiai
Ki o korosu, Ken o korosu, wasa o korosu
Ce sont les 3 seules manières de prendre l'ascendant sur l'adversaire dans un combat. On peut les prendre dans l'ordre que l'on veut, il n'y a pas de hiérarchie entre elles. J'ai choisi de les placer dans l'ordre chronologique dans lequel elles peuvent apparaître dans un combat.
Certaines traductions parlent de "tuer" (korosu) le ki, le ken et le wasa du partenaire.
Ki o korosu
Déjà à distance, lors du salut, la démarche, la prise de garde, le sonkyo et le premier kiai comme une mobilisation de soi même, une démobilisation du partenaire et une sensibilisation des arbitres. Le niveau de kiai (et non pas le niveau sonore) démontre de facto une capacité à faire. Quand on est habitué, rien que par le kiaï on peut savoir si l'un des deux a manifestement l'ascendant sur l'autre. Souvent les arbitres en tiennent compte dans leur jugement et, à tort ou à raison, cela les conforte comme une concrétisation de ce qu'ils avaient anticipé.
Le ki o korosu peut être aussi réalisé sur la durée par une démotivation du partenaire à la suite d'echecs successif de ses différentes tentatives...
Ken o Korosu
La prise de sabre du partenaire, sa neutralisation par toutes les techniques de prises de sabre, en passant par omoté (endroit) et ura (envers) :
osaete, haraï, uchi o toshi, suriotoshi, suriage, Makiage, makiotoshi...
Dans nito le ken o korosu est quasi obligatoire : le petit sabre "coinçant" le sabre du partenaire tandis qu'on abat notre grand sabre.
Wasa o korosu
La "gestion" de la technique du partenaire ou comment tirer parti des attaques du partenaire pour le vaincre. Principalement par des oojii wasa (contre attaques)...
Si l'on devine les attaques du partenaire, ou mieux encore, si on les provoque, les techniques de contre attaques en sont grandement facilitées.
Conclusion
A vous de travailler vos techniques à l'entrainement afin qu'elles soient opérationnelles en shiaï, utiliser tous les outils pour prendre l'avantage et faire votre le conseil suivant :
Pour une fois, je vais vous donner un conseil applicable immédiatement et valable pour tout combattant...
Il ne faut surtout pas commettre l'erreur de combattre pour les arbitres. On voit trop souvent les compétiteurs se retourner vers les arbitres après un très insuffisant waza ari, le plus souvent avec un kiai insistant du type : OOOO KOTEEE YAAA KOTEEEE OOOOOO. En tant qu'arbitre, dans le meilleur des cas, je trouve cela risible, dans le pire des cas, j'ai l'impression que le combattant ne respecte pas ma compétence d'arbitre ni mon esprit d'auto-décision. Et dans ce cas, je peux vous confier que je ne le vis pas très bien...
En conséquence, il convient de convaincre le partenaire d'avoir ramassé Ippon et c'est cela qui convaincra les arbitres.
Bonnes compétitions à tous !!!