De la posture naît le déplacement

Publié le par Jean-Pierre LABRU

De la posture naît le déplacement
De la posture naît le déplacement

J'ai écrit quelques lignes sur la posture dans un post précédent. Il vaudrait mieux le lire au préalable car celui ci pourrait se concevoir comme une suite logique.

La posture donc est le point de départ de tout dont le déplacement.

Depuis tout jeune on me serine : Ichi gan Ni soku San tan Shi riki* ! comme une incantation divine donnant le pouvoir magique de la maîtrise ultime de l'art du Sabre.

Donc en premier, par votre posture, posez votre regard (Gan) sur l'environnement, évaluer les forces en présence.

Le déplacement (Soku) intervient ensuite avant le courage (Tan) et en dernier lieu, l'habileté technique (Riki).

Le déplacement est donc par définition, le premier des mouvements à maitriser. Hatakeyama sensei, Expert ZNKR 1996, estimait à 70% la part des déplacements dans le Kendô. Je vais encore faire mon râleur, mais combien d'entre nous, lors des suburis, travaillent surtout le mouvement des bras tandis que les pieds suivent comme ils peuvent ?

Bon, le déplacement, ce n'est rien d'autre que l'alternance des appuis posés successivement et allant dans la direction voulue. Dit comme ça, pas de difficulté majeure...

Les appuis, on en entend parler au tennis, à la course à pied (la vitesse surtout), au rugby, ... Sans appui, pas d'équilibre, pas de puissance, pas de déplacement, pas de disponibilité.

En Kendô, on a tendance à penser que les appuis sont ceux ci : le pied droit posé au sol et le pied gauche ayant le talon légèrement soulevé. En fait, le poids du corps ne s'exerce que sur les avant-pieds, comme dans toutes les activités physiques demandant un "jeu de jambes".

En Kendô, la majorité des déplacements s'effectue vers l'avant, demandant également quelques capacité d'ajustement en distance et trajectoire. Une autre des particularités du déplacement de Kendô est que l'on doive, pour délivrer le kikentai, aller déployer de la puissance à une distance relativement grande (la moitié de la distance qui nous sépare du partenaire environ). Pour ce faire, nous devons apporter notre corps le plus proche du point d'impact. Sans cela, la frappe n'est réalisée qu'au moyen des bras (te dake) en japonais, et n'est pas suffisante à délivrer un uchi valable. Vous remarquerez que je n'ai pas parlé d'ippon mais d'uchi valable. (sans doute le thème d'un prochain post)

Ce qui va guider la posture du corps en Kamae sera notre capacité à déplacer rapidement notre corps le plus près possible du point d'impact de notre shinai sur le partenaire. Le déplacement se fera, sans temps de ressort, et sans faire appel à la gravité qui n'est que, comme chacun le sait, de 9,81 m/s² à Paris. En fait, l'accélération de la gravité est insuffisante pour dynamiser comme il se doit le déplacement de Kendô : il faut faire mieux ! En même temps, je dis ça et il circule sur Internet une photo de moi, datant de ce weekend, et montrant surtout ce qu'il ne faut pas faire, mais bon ! :^)

Pas de temps de ressort et non soumis à la gravité, voici deux des inducteurs principaux qui vont nous faire trouver notre "Djibun no Hana" du déplacement.

Afin de limiter ou mieux, d'éradiquer le temps de ressort, il faut que la jambe arrière soit tendue (ou presque) et que l'on puisse s'appuyer dessus comme le nageur s'appuie sur le mur lors de son demi tour.

Ne pas être soumis à la gravité implique que le déplacement n'inclue pas de sauté ni de moment ou le pied avant décollerait excessivement du sol.

Le corps doit pouvoir se trouver le plus vite possible à l'endroit adéquat, en fait c'est notre centre de gravité que nous devons déplacer. Afin de couvrir une distance le plus rapidement possible, le mieux est de n'avoir qu'une distance inférieure à parcourir (puissant ça) ! Pour faire simple, afin d'amener le plus rapidement possible notre centre de gravité d'un point A à un point B, le mieux est de ne déjà plus être au point A mais en chemin vers le point B. Dit différemment, il convient de rapprocher son centre de gravité le plus possible de la cible sans que cela mette en déséquilibre notre posture et que l'on puisse rester en position de kamae. Si le partenaire resens cette disponibilité que nous avons à foncer sur lui, ne serait ce pas là le début du sémé ?

En fait, on voit souvent la jambe avant tendue, le poids du corps dessus; imaginons deux secondes que l'on veuille partir en avant, il faudrait : libérer le poids du corps de cette jambe, débloquer le genou avant et partir enfin... et bien oui, 2 secondes c'est à peu près le temps qu'il faudrait, dans ces conditions, pour déclencher sa frappe, autant dire qu'on est mort !

Ensuite vient le déroulé de pied. c'est un peu ce que le "planter de bâton" est au ski. Pour faire simple, souvent quand on veut pousser avec la jambe arrière, on se retrouve avec , en fin de course, ce que j'appelle "l'aile de poulet", c'est à dire, le pied arrière soulevé, le coup de pied regardant le sol... En résumé, ce déroulé de pied fait perdre plus de temps dans le retour du pied arrière, et donc dans l’enchaînement des pas, que cela n'apporte de puissance dans le déplacement.

Résumons nous, jambe arrière tendue ou presque, le centre de gravité poussé vers l'avant (attention, pas penché !), Tout ça nous fait pointer le genou avant vers l'avant et descendre légèrement le centre de gravité et en fin de course du pied arrière, on ne "déroule" pas.

Bien, il n'y a plus qu'à essayer de marcher comme cela dans la rue. A chaque pas, tendre sa jambe arrière dès que possible, pousser le genou avant vers l'avant en surbaissant très légèrement le centre de gravité et en déroulant les pieds le moins possible... et très vite votre Kendô nous en dira des nouvelles.

*Voir la définition du Seidokan : http://www.seidokan-kendo.org/lexique/151-ichi-gan-ni-soku-san-tan-shi-riki

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