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La Posture, le premier des apprentissages !

La Posture, le premier des apprentissages !

Par Jean-Pierre LABRU, Kyoshi 7e dan de Kendô

Article mis à jour et paru dans Ken Do Mag en 2022

 

Pour avoir sans doute, tel une asperge ou mieux un bambou, grandi trop vite, combien de fois dans mon enfance, et pas seulement au cours de Kendô, j'ai entendu : "Tiens-toi droit, redresse-toi !!!". Dans tous les domaines, tous les moments de la vie, une bonne posture nous est recommandée : et à raison. On apprend à conduire, on porte une charge lourde, on travaille assis à son bureau, on réalise un geste sportif entre autres. La posture, au-delà de nous prémunir contre le mal du siècle, n'aurait-elle pas également la capacité de nous propulser vers la réussite ?!
 


Se lever pour s'élever 


Les scientifiques spécialistes de l'avènement humain n'ont de cesse que de nous le dire : la station debout a été l'initiateur de l’évolution du primate en homme ; notamment car cela a été primordial dans le développement du crâne et du cerveau. Il existerait une posture optimisée afin d'appréhender le Monde qui nous entoure, une posture comme l’accomplissement ultime des 7 millions d'années d'évolution de l'espèce humaine : la posture debout. La posture dans laquelle tous nos sens sont aux aguets, pour ne pas dire tous nos instincts, celui de conservation en premier ; la posture où la mise en mouvement est immédiate, opportune et pertinente ; cette posture c'est La Posture ! 
 


La théorie du « cerveau primitif »


Nos sens et nos instincts seraient gérés, d'après certaines théories, par une partie de notre cerveau appelée le « paléo cortex » ou « cerveau primitif ». Il serait responsable des comportements assurant nos besoins fondamentaux. Il assurerait la survie de l'individu et de l'espèce. Un même stimulus entraînerait toujours la même réponse. Cette réponse serait immédiate, semblable à un réflexe.
Par la posture adéquate nous mettant dans les meilleures dispositions pour appréhender et réagir, le « cerveau primitif » prendrait en compte immédiatement la situation et nous ferait agir par exemple, dans le cas qui nous occupe, selon les principes, notamment d'homéostasie, de l'instinct de conservation. L'action ne serait ni réfléchie, ni préméditée, elle serait juste immédiate et adaptée le mieux possible à la situation.
 


Le choix des mots


Il y a de cela quelques années, j'ai suivi, dans le cadre professionnel, une formation à "l'art oratoire".
En fait, cette formation portait sur la capacité à prendre la parole de façon convaincante afin que son discours laisse "une trace" dans l’assistance. Le propos principal de la formation était de relier étroitement la posture à la portée du discours : La meilleure posture, permettant d'appréhender son environnement, donne la possibilité de ressentir les forces en présence, ici l'auditoire et ses réactions, afin que les idées soient véhiculées par des mots soigneusement et instantanément suggérés, par le cerveau primitif, en fonction de ce que l’on perçoit.
Une telle démonstration est faite régulièrement par Barrack Obama lors de ses discours. Quelques idées fortes, pas de notes, une posture parfaite et voilà un orateur exemplaire (dixit la formatrice). Le lien avec le keiko est tout trouvé : les phrases sont représentées par les techniques (Waza), sujets verbes et compléments maitrisés donnant l'élocution fluide; les arguments sont votre menace (Seme), la pertinence de vos choix de frappe (Riaï), votre détermination (Kime) : La discussion des sabres a vraiment commencé.

 

Votre posture en impose ou vous trahit


Bien avant la découverte et la mise en théorie de la "communication non verbale", un animal qui boitait attirait déjà l'œil aiguisé, comme l'appétit, des prédateurs. Revenons ici sur le précepte "Ichi gan" : d'abord bien observer ! D'évidence, nous souhaitons tous plutôt jouer le rôle du prédateur dans nos combats d'arts martiaux respectifs. TODA Tadao sensei, multiple champion du Japon, nous dispensant son expérience lors d'un stage équipe de France de Kendo, nous confia qu'il se donnait la première minute d'un combat pour jauger, estimer, évaluer son adversaire avant de passer réellement à l'offensive. Bien observer pour ne pas se fourvoyer : certains oiseaux vont jusqu'à simuler être blessés pour attirer le prédateur loin de leur nid. Souvenez-vous juste que l'œil exercé d'un sensei lit en vous comme si votre Kendô était un livre ouvert : des années d'observation attentive de milliers de pratiquants ; par exemple la vitesse, la ruse, la surprise n'est donc pas la solution.

 

L’apport dans la pratique du Kendo


Cette capacité à percevoir, à lire son environnement, est très utile dans nos activités. Ressentir les capacités, les intentions, la détermination, du partenaire agrègent autant d'informations qui sont essentielles à notre capacité à gérer, au mieux de nos intérêts, toutes les situations. Cette posture, ceux qui pratiquent l’arbitrage la connaissent bien. Depuis que les stages d’arbitrage existent, les senseïs Japonais systématiquement insistent sur la position. Un arbitre efficace est celui qui, lors du shiaï, est le plus souvent possible idéalement placé sur le shiaijo et immobile dans sa Posture. En effet, on est bien plus apte à juger un ippon de Kendô quand on est bien placé pour bien voir ce qui se passe et immobile afin de percevoir correctement toutes les composantes des mouvements du combat (trajectoires, vitesse, puissance). Arriver à percevoir tout ce qui concerne son partenaire c’est une chose, mais cette acuité ne s’arrête pas là. La capacité à percevoir de façon plus large que limitée à son partenaire, Enzan no Metsuke, a été théorisée par Myamoto Musashi, sans doute étayée par l’expérience de ses combats qu’il a menés seul contre une foule mal intentionnée. On peut ainsi, après quelques années de pratique, percevoir son environnement immédiat : ses partenaires collatéraux, les arbitres, les senseis qui nous scrutent…
 


Les risques d’une mauvaise posture


A contrario, les différentes variantes de mauvaise posture peuvent être préjudiciables aux pratiquants que nous sommes. Un kamae dilettante nous exposerait grandement au(x) sabre(s) du partenaire. Un arbitre qui ne prendrait qu'approximativement la posture idéale se verrait enclin à la même approximation de son jugement. Un casque (Men) mal adapté (les yeux doivent être en face de l’écartement plus large de la grille) va induire un port de tête inadéquat qui lui, influera sur le champ de vision et sur la disponibilité du corps à exécuter des mouvements instantanés, fluides et ciblés. Bien d’autres mauvaises postures entrainent des difficultés supplémentaires, d’où l’intérêt de rechercher en permanence la bonne posture. Et, tout cela induit un travail de proprioception qui par définition est propice à l’apprentissage du geste technique.
 


La recette de la posture idéale


Si vous attendiez à ce que je vous donne la recette de la posture idéale, vous avez lu tout cela pour rien !!! Nous sommes tous différents, anatomiquement, physiologiquement et mentalement. On peut donc donner quelques repères mais on ne peut pas « reproduire » sur ses élèves les positions qui ont « fonctionné » pour nous-mêmes : c’est un chemin personnel ! Un petit indicateur tout de même, et vous l’avez sans doute compris à la lecture de cet article, pour mon cas, la pratique régulière de l’arbitrage a largement participé à l’amélioration de ma Posture.
Alors quand, après des années de recherche personnelle constante (pas uniquement sur le dojo), et sans vous être découragé, vous aurez trouvé Votre Posture, je serai en mesure de vous dire : "Voilà !"
 

*Proprioception par wikipédia : « La proprioception (formé de proprio-, tiré du latin proprius, « propre », et de [ré]ception) ou sensibilité profonde désigne la perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps. Elle fonctionne grâce à de nombreux récepteurs musculaires et ligamentaires, et aux voies et centres nerveux impliqués. »

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