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Seme et Ashisabaki associé

(Toutes les calligraphies illustrant le notion de "Kiryoku" ont été réalisées par Yolanda, pratiquante de nos Budo et 5e dan de Shodô)

Samedi 20 mars 2021, nous avons abordé ensemble le thème du Seme et l'apport que pouvait être le Ashisabaki à la bonne réalisation et la diversité du Seme.

Ayant souhaité préalablement définir le Seme avant d'aller plus loin, je me suis vite aperçu qu'il représentait un sujet à part entière et comportait largement de quoi alimenter plusieurs conférences à lui seul. 
Nous aborderons donc les déplacements à partir du moment où ils servent exclusivement la construction du Seme.

Les notions de Seme sont parfois difficile à appréhender par une compréhension cartésienne, j'ai essayé néanmoins de les cartographier puis les décrire, tout en répondant le plus complètement possible à toutes les questions que vous vous posiez en tant que pratiquant de Budo.

"En Kendo, le Seme c'est la vie !"

(Kobayashi Hideo sensei)

 

Par les éléments suivants, combinés entre eux, nous communiquons, qu'on le veuille ou non, à notre partenaire, si tant est qu'il soit en mesure de le percevoir...

Nous communiquons sur la présence, la pertinence, l'adaptabilité et la puissance de notre Seme au moyen de :

  • notre disponibilité physique à délivrer une frappe valable (Yukodatotsu),
  • l'acuité de notre attention, notre disponibilité mentale,
  • l'intensité de notre intention, notre ferveur, notre determination,
  • notre force de volonté, de caractère qui s'exprime par nos choix, notre résistance aux déstabilisations de toutes sortes,
  • notre constante recherche du la prise du centre et donc d'un avantage capital.

Et donc au moyen des trois premiers points ci dessus, par notre attitude, nous faisons ressentir à l'autre qu'un danger est imminent, et ceci le plus longtemps possible, de manière constante, irrépressible, irrémédiable, irrésistible, ceci jusqu'à ce que son unité mentale/physique : Heijoshin (calme d'esprit) se désagrège et qu'une brèche dans son Kamae se présente. 

Le deuxième stade, en termes d'étape dans la progression, est de faire sentir à l'autre la force de votre caractère Kiryoku, la volonté traduite par l'expression des mouvements du corps. J'ai rencontré à plusieurs reprises des personnes ayant une forte volonté et qui ne se laissait pas désunir par leur manque de technique et leur inexpérience en Kendo et qui posaient des problèmes à tout pratiquant voulant gagner avant de frapper… en fait, face à eux, on ne gagnait jamais vraiment, jamais de façon claire et nette… certains d'entre nous se décourageaient et tentaient les chemins de traverses, d'autre persévéraient… dont j'étais; Désireux de comprendre ce qui ne fonctionnait pas et ce qui m'empêchait de placer mes techniques qui auraient dû être irrésistibles. La seule solution que j'ai trouvé est d'élever ma propre force volonté à un niveau supérieur dont, normalement, je n'aurais pas dû avoir besoin avec des pratiquants de ce niveau de Kendô.

Le troisième stade de la progression est la recherche du centre qui peut faire que le partenaire se sente en danger quitte à vouloir le reprendre absolument, au prix d'une mise en danger inconsidérée et qu'il aille à la faute et ouvre ainsi une opportunité. La forme la plus basique étant appuyer sur son sabre et qui en voulant revenir au centre, dépasse celui-ci et ouvre de ce fait l'opportunité pour Kote.

Intégrez bien tous ces éléments, puis viendra l'heure de la subtilité...


Je vous conseille vivement la vidéo ci dessous où Kobayashi sensei nous explique sa vision du Seme. La vidéo est sous-titrée en Anglais et il est possible d'activer la traduction automatique en Français de Youtube, la traduction en est tout à fait compréhensible.

La différence entre être une menace ou une cible mouvante

Il est quasiment impossible de montrer le Seme en photo, par contre, nous pouvons voir sur certaines d'entre elles ce que le Seme a provoqué dans le Kamae de l'autre et qui permet de déclencher la frappe; quelqu'un qui se désunit et qui protège par exemple : c'est déjà une victoire, celle du Seme !

Il ne faut pas surtout pas oublier que, lorsque l'on délivre une frappe, on est obligé, et ce n'est pas statistique mais systématique, de casser son Kamae qui, jusque là, menaçait le partenaire tout en protégeant de lui. Lors du lancement de notre frappe, nous sommes à découvert; il convient donc de faire un Seme suffisamment puissamment, suffisamment longtemps, afin de désarmer le plus possible, toute capacité de contre-attaque venant du partenaire.

Au fur et à mesure de l'application du Seme sur le partenaire, avec du travail et quelque fois un peu de réussite aussi, on voit apparaitre le point, le moment, la distance, où le partenaire va déclencher sa frappe. Arriver à provoquer, quand on le souhaite, la frappe du partenaire est une arme formidable pour construire le combat, ainsi on décide quand et souvent comment, l'échange de frappes va se dérouler. On appelle cela "prendre le Sen" que l'on pourrait traduire par prendre l'avantage ou l'initiative dans la menace. 

Je vous ai aussi raconté l'anecdote qui m'a fait avoir une pensée pour mon regretté Senpaï et ami, Georges Bresset, qui m'avait offert un Tee-Shirt avec inscrit en Kanji le concept de Mu-Ho : ne jamais casser sa garde. Et je vous ai dit comment cette dame âgée et chinoise, m'a posé la question pourquoi sur mon tee-shirt était inscrit "il ne faut pas déménager !".

Ci dessous, Georges Bresset :

Seme et Ashisabaki associé
Seme et Ashisabaki associé
Seme et Ashisabaki associé

Comment s'apercevoir si notre Seme est efficace ?

Ce slide du document de présentation (lien plus haut) est illustré par Toda Tadao sensei qui a remporté, en Jodan (garde haute) et à 3 reprises les championnats du Japon, la première fois à 23 ans, et qui était notamment réputé pour son Seme. Expert détaché en France par la Fédération japonaise, entre autres, préparateur de l'équipe de France pour les championnats d'Europe 1990 de Berlin (ma première sélection, où d'ailleurs nous avions reconquis le titre en équipe), nous révélait le secret de sa préparation mentale d'avant match. Il se mettait en garde Jodan face au pin parasol du jardin du Budokan de Tokyo où se déroulaient les championnats et le menaçait, le menaçait encore jusqu'à ce qu'il ait l'impression d'être plus grand que l'arbre lui-même. Et à ce moment, il savait qu'il était prêt.

Sumi Masatake sensei m'a raconté l'histoire d'un jeune garçon qui, à presque 10 ans, demandait : "Sensei, qu'est-ce que le Seme ?" et son senseï, dans la droite ligne de l'enseignement de l'époque lui répondant : "Tu fais un grand pas et tu lances ta frappe !". Et le jeune garçon tentant de faire ce que son sensei lui avait dit, entrait d'un grand pas et frappait, entrait et frappait; jusqu'à un jour, bien des années après, où son entrée d'un grand pas suscita la réaction défensive de l'adversaire... Ce jeune garçon n'était autre que Sumi senseï lui même !

Si votre partenaire possède le niveau de pratique et l'accuité à ce moment précis ou vous appliquez votre Seme, il est en capacité de se sentir en danger, et donc cela signifie que votre Seme existe puisqu'il est ressenti par le partenaire. Après provoquera-t-il une réaction, vous verrez bien le jour venu.

Cela me fait penser à une phrase de Monsieur Yoshimura qui dit ceci : "Si votre Seme ne produit aucune réaction sur votre partenaire, soyez vigilent, c'est qu'il est très fort...  ou alors très faible !"

Une liste non exhaustive de différents « seme » 

Illustrés par l'exemple lors de la conférence, voici en synthèses quelques exemples de réalisations différentes du Seme :

  1. Le Seme déstabilisant : faire sentir à l'autre que l'attaque est imminente, cela peut suffire à le perturber,
  2. Le Seme désorientant : diriger notre intention fortement vers une cible pour en ouvrir l'accès à une autre,
  3. Issun no Seme : avancer subrepticement, par petit pas de 3 cm,
  4. Toita no Seme : OGAWA sensei expliquait avec la métaphore suivante : être positionné vers l'amont dans le courant de la rivière Shirakawa de Kumamoto en tenant un panneau de porte verticalement et le repoussant à contre courant,
  5. Kasanete no Seme : prôné par Murayama sensei, ce Seme consiste en une répétition de phases de Seme minant peu à peu la résistance de l'adversaire,
  6. Et puis tous ceux que vous développerez vous même en gardant à l'esprit le principe de : Ken o korosu, Ki o korosu, Waza o korosu (annihiler le sabre, le Ki et la technique du partenaire)...

Ce qui relie Ashisabaki et Seme

Il existe un lien évident entre le Ashisabaki, cette faculté de se déplacer, et le Seme. A partir du moment où vous êtes en mesure de porter le danger à l'intérieur de la distance de l'adversaire, vous représentez une menace.

Histoire d'expérimenter, positionnez vous dans votre kamae le plus puissant et basculez sur les talons en soulevant les orteils, non seulement votre attitude montre à un œil averti qu'il n'y a aucun risque que vous puissiez surgir brusquement mais aussi vous-même, le ressentant intensément, votre perte de confiance est immédiate, irrémédiable et transpire dans votre attitude d'ensemble.

Le Ashisabaki comme un échappatoire au « Seme » de aïte

Non seulement le Ashisabaki concourt à construire et positionner votre Seme mais il permet également, par quelque ajustement de position, de se départir du Seme du partenaire qui aurait pu constituer, à cet instant précis, un désavantage. Un léger changement d'axe par exemple tout en réappliquant votre propre Seme peut être très déstabilisant pour le partenaire qui se serait cru en terrain conquis.

Le Kiguraï, cette fierté, cet orgueil bien placé, ne doit pas nous faire nous entêter et persister inconsidérément dans une situation mal engagée de prime abord. C'est alors que le Ashisabaki peut nous sauver la mise si tant est qu'il soit source d'une contre-attaque de Seme et non pas d'une fuite pure et simple.

En effet, on ne peut pas fuir à un Seme, c'est d'ailleurs pour cela que l'armure ne nous protège pas dans le dos. Fuyez devant un Seme et vous serez irrémédiablement rattrapé; afin d'éviter cette fin désastreuse, il vous faudra absolument arriver, par tous les moyens, à remettre en place vôtre Seme : c'est le seul salut !

Et si malgré tout, vous n'y arrivez pas, mon conseil qui n'engage que moi, faites face ! Recevez la frappe du partenaire dignement, les yeux grands ouverts, et survivez pour en tirer les enseignements qui feront que cela se transforme en une expérience enrichissante pour votre propre Kendô.

Conclusion

La conclusion de cette conférence a repris tous les sujets un à un car le Seme est construit de nombreuses briques qu'il faut bien intégrer afin qu'il soit le plus complet, cohérent donc le plus puissant possible tout en étant agile et adaptatif aux différentes situations et partenaires que l'on peut rencontrer.

Et au final, le Seme n'est que la capacité à faire expérimenter le Shikai au partenaire, c'est à dire lui faire ressentir l'un des 4 maux suivants : la surprise, l’hésitation, le doute , la peur.

Et pourquoi les 4 en même temps ?!

Bon Seme à tous pour votre reprise de la pratique !!!

 

Ci après le merveilleux cadeau de Yolanda pour cette conférence : le Kiryoku dans tous ses états

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