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Le Motodachi, l’Uchidachi ou le manager de la réussite en Kendô

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Un Manager, tel que je le conçois, est un leader, un facilitateur et un coach. Autant de notions dont on pourrait trouver nombre de synonymes. C’est celui qui est responsable, ou « Accountable » (Cf. le « A » du RACI), de la réussite de ce qui est entrepris.

Le manager en Kendô, une nouvelle notion ? …pas vraiment en fait !

Que dire de l’Uchidachi du Kendô no kata, si ce n’est qu’il est le manager de la bonne réalisation et donc du bon apprentissage des katas. Etonnant, ce concept de dire que d’une bonne réalisation des katas en découle un bon apprentissage, ne trouvez vous pas ? En effet, on pourrait croire qu’il faut avoir bien appris pour bien réaliser.

Voici déjà une question ! L’Uchidachi, le Motadachi, le Manager pose les bonnes questions et fait se poser les bonnes questions aux Shidachi, Kakari, élèves.

Une des questions que doit se poser Kakari : Où Motodachi veut il m’amener ?

Dans les Katas, on a coutume de dire que Uchidachi donne notamment la bonne distance mais on entend aussi que le Shidachi doit toujours s’assurer d’être à la bonne distance. Alors qui de la poule ou de l’œuf ? Voici typiquement une façon très japonaise de concevoir une notion, on pourrait même penser que le concept est ambigu. En fait tout dépend du niveau des deux protagonistes et surtout de la maturité du Shidachi. Plus le Shidachi est avancé, plus il devra veiller, par lui-même, à une foule de détails qui lui seront demandés tacitement par Uchidachi et en premier lieu : la distance.

Et inversement, lors des uchikomis, le Motodachi doit faire d’autant plus d’effort pour s’adapter au partenaire que celui ci est novice.

La distance en premier lieu, mais aussi le rythme, la présentation des cibles sur son armure et une énergie communicative sont à mes yeux les principaux éléments sur lesquels les efforts du Motodachi doivent se porter.

Si on parle de distance, de cible et d’énergie communicative on retrouve les trois éléments du kikentaï inhérents au rôle de motodachi.

Le Kikentaï dans le rôle de motodachi du kirigaeshi

Nous savons tous que lors du Kirigaeshi, le motodachi doit présenter sa tête à la bonne distance de frappe du kakari et interposer son shinai lors de l’arrivée de la frappe tout en coordonnant son déplacement avec celui de kakari.

Interposer son shinai se suffit pas à opposer suffisamment de résistance, d’appui et donc de répondant au kakari afin qu’il puisse repartir vers la frappe suivante. En effet, ce qu’il faut c’est au moment de l’impact, délivrer également un te-no-uchi afin de réaliser un impact en retour aussi puissant que la frappe. Pour ce faire, seul une synergie de tout le corps peut donner suffisamment de puissance aux mains lors de l’impact : un Kikentai.

Bien entendu, un kiai sonore n’est pas attendu du Motodachi.

Dans la variante du kirigaeshi en hiraki-ashi, le Motodachi restant sur place, le kikentaï en question peut être tout à fait délivré, le déplacement pourra être remplacé par un léger surbaissement à l’impact.

En partant du Kirigaeshi, on peut décliner le kikentai du Motodachi sur de nombreux exercices, valorisant ainsi l’implication de Motodachi dans l’exercice demandé.

La connexion entre Motodachi et Kakari

Bien entendu, rien n’est possible sans l’établissement d’un lien entre Motodachi et Kakari. D’ailleurs un excellent exercice, pour ne pas dire le meilleur, sur la mise en place de ce lien, et son perfectionnement, est la pratique des Katas.

En termes de rôle dans l’établissement de ce lien, tout dépend des capacités des deux protagonistes à percevoir son partenaire et par là même être en mesure de comprendre, lire, anticiper ses actions, son rythme, sa distance, ses capacités. Imaginez vous quel « super pouvoir » vous auriez si, à tout moment, vous étiez en mesure de connaitre, à coup sûr, ces informations pour tout partenaire en face de vous. Avec quelle facilité vous maitriseriez toute situation !

De cette connexion, avec un peu de pratique, (soyez patients mais persévérants) vous pouvez a minima savoir quand votre partenaire est prêt à agir (se déplacer, attaquer, …). Par la suite, vous comprendrez ce qu’il est capable de faire ou pas, certains même de ces états mentaux comme la peur, le doute, l’hésitation et la perplexité (yotsu no byoki – les 4 maux du Kendô) et utiliser ces informations à bon escient. Encore un peu plus tard, vous pressentirez ce qu’il va faire ou même l’influencer dans ses choix en lui faisant percevoir certaines informations servant vos propres intérêts.

J’ai remarqué qu’avec l’avancement dans la pratique, on devient de plus en plus réceptif à une foule de détails, concernant le partenaire mais pas seulement. En effet, dans les keiko, certains combats qui se passent aux alentours, on en ressent les énergies, kiaïs, vibration des fumikomi,… Les retardataires, on les voit tous arriver même si ils essayent de rester discrets.

Il reste une question que je me pose toujours au sujet de la qualité de cette perception : Notre Kendô progresse t il car cette perception augmente ? Ou bien, cette perception augmente car notre Kendô progresse ?

La droiture, la justesse, la vérité dans la mise en situation

Le Motodachi, de tous temps et plus encore quand l’armure n’existait pas encore, se doit de recréer le plus fidèlement possible la situation de combat.

Plus cette situation est rendue « vraie » et plus ce qu’il veut transmettre au Kakari sera mieux assimilé et utilisé par la suite.

Combien de Uchidachi viennent « trouver » le bokken du Shidachi pour le suriage du 5e Kata ?

Allez, je me lance dans une statistique, sur les 1er à 7e dan que j’ai vu, et même moi quand je n’y prête pas attention, je dirais : plus de 95% ne viennent pas sur le Men. Soit la distance est trop éloignée pour avoir réellement eu l’intention d’atteindre le Men, soit la trajectoire est biaisée pour « être sûr de faire le bruit attendu ».

Mais désolé de vous le dire, c’est très souvent les deux à la fois !!!

Comme résultat, la distance est faussée et la sensation dans les mains, trop lourde, n’est pas la même ; Voire même, le Shidachi ne fait même plus suriage, il attend simplement qu’on vienne choquer son sabre.

Comment voulez vous acquérir la technique de suriage dans ces conditions ???

Toutes les situations créées par le Motachi se doivent de pallier à cet aspect humain. En effet, on altère systématiquement son geste ou son attitude quand on connait « la fin de l’histoire », à moins qu’on y prête une attention et une volonté sans faille.

En synthèse : La génèse et l’essence du motodachi

Le rôle de leader de Uchidachi dans les Katas doit être pris comme un exemple, une trajectoire, un fil conducteur, pour perfectionner continuellement et à chaque seconde, le rôle de Motodachi dans son Kendô en général.

Tout commence lors de la cérémonie d’entrée dans le dojo du Uchidachi suivi du Shidachi, puis du za-reï (salut en seiza face à face avant la pratique des katas).

Uchidachi à tout moment va donner le « top départ » pour chaque action, oui mais quand ? La réponse est portant simple, au moment opportun. Ce moment peut dépendre de tout élément qui sera pris en compte par Uchidachi, qui sait, jusqu’à avoir le silence dans la salle ou même quelque chose de plus intrinsèque : qu’il sente son Shidachi tout simplement prêt à « y aller ». Uchidachi, ayant la responsabilité de la réussite de la démonstration des katas, devra prendre en compte, juger ou ressentir, tout élément contextuel, et agir en conséquence.

Une fois que la perception est bonne, le Motodachi doit réaliser l’action la plus adaptée au contexte et au niveau de son partenaire. Il recrée ainsi la situation la plus réaliste et la plus propice pour apprendre.

L’exemplarité est le concept qui me vient ensuite mais à partir du moment où la perception et l’action sont correctes, on peut dire que l’exemplarité est en très grande partie satisfaite.

Voilà, après avoir écrit ces lignes, je déclare 2015 comme l’année du Motodachi !!!

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INADOMI Sensei

Publié le par Jean-Pierre LABRU

INADOMI Sensei
Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Message du 9 décembre 2014

« Une anecdote nous en apprend plus sur un homme qu'un volume de biographie. » William Ellery

A la Saint Mandéenne hier soir se tenait l'after du KNM avec les senseïs du cru 2014 du même nom.

Ayant été éloigné des dojos ce weekend, j'ai profité de mon retour au Monde non médicalisé pour rencontrer les senseïs avant leur départ pour le Japon.

Et donc Monsieur NAGANO m'a présenté à INADOMI senseï ce qui a suscité l'anecdote que je vais vous raconter.

Juste une parenthèse pour ceux qui se demandent pourquoi je ne dis pas NAGANO senseï.
Et bien dans le "non dit collectif du Kendo français à travers les âges", j'ai remarqué que les senseïs, qui viennent en france régulièrement, et envers qui la reconnaissance du Kendo français est immense, évidente et perçue par tous, se trouvent, implicitement, tacitement et universellement décorés du titre de "Monsieur". Intéressant non ?

Donc, les Ajimete et yoroshiku onegaishimasu passés. INADOMI sensei s'empresse de déclamer son dernier fait d'arme :
"Vous savez que je viens de remporter le tournoi des 8e dan du Japon ?!"

Evidemment que je savais, je venais même de publier la vidéo de la finale sur Facebook et d'ailleurs j'avais des questions à lui poser... en temps et en heure...

Alors là, deux solutions s'offrent à moi :
Soit lui déclamer moi aussi mes faits d'armes, comme le faisaient les samurais sur un champs de bataille avant l'affrontement, dégainer et partir à l'assaut.
Juste un soucis, encore en rémission, je n'avais amené que mon keikogi-hakama... !!!
Soit, ce que j'ai tenté de faire, lui faire savoir que bien entendu, je connaissais sa réputation et je j'étais très honoré de faire sa connaissance.
C'est là que la barrière de la langue aidant, je n'ai réussi à lui sortir qu'un linguistiquement pauvre : "Hai Wakarimasu, O medeto gozaimasu Senseï !"
Ce qui peut être compris comme un : "oui je sais mon gars, très content pour toi !"

Notre échange cocasse a, bien entendu, fait hurler de rire Monsieur NAGANO laissant un INADOMI sensei à se demander comment il devait le prendre.

Heureusement, le repas qui a suivi nous a placé en face l'un de l'autre et nous avons convenu ensemble d'une sympathie réciproque (apparemment).

C'est là que j'ai pu poser mes questions.

Je sais maintenant, on le voit très mal sur la vidéo de sa finale, le dernier point est un kote kaeshi men, et non suri age men comme je le pensais au préalable.

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Mitori Geiko

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Message du 9 décembre 2014

"Au jeu de go, l'avantage est au spectateur." (un, sans doute vieux, sans doute chinois, proverbe)

Le journalisme spécialisé du Kendô ne couvrant pas tous les événements importants, je me propose de vous faire un petit résumé de la soirée d'hier à SMK.

Passé le sas d'entrée, troquant sa pièce d'identité contre un badge magnétique, j'ai découvert la superbe salle d'entrainement de la SMK au Fort Neuf de Vincennes (qui est Paris en fait). Un ancien manège, charpenté d'impressionnantes poutres de chêne je suppose, qui fait ressembler la voûte à une cale de bateau retournée. Enfin, c'est comme cela que je me l'imagine... A propos d'imagination, on voit très bien les chevaux tourner en rond dans cette immense bâtiment. Un plancher avec un bon rebond mais quelque peu abîmé et disjoint à certains endroits. Une petite séance de collage de scotch plus tard et l'entrainement commençait.

FUJISAWA senseï de l'année, envoyé par la fédération japonaise, déclinait ses Kihon. Tout était principalement basé sur la qualité, et donc l'extrême rigueur, du geste et des déplacements.

Une phase de Mawari-Geiko a pu laisser à tous le temps de s'exprimer et de mettre en pratique le kihon nouvellement appris (je plaisante). La consigne avant le jigeiko a été : Sutemi, l'engagement pur, sans retenue et pour les plus mystiques (mais pas seulement), en se détachant de la notion de survire ou de périr, de vie ou de mort.

Le Mitorigeiko, ou l'entrainement en regardant, à mon avis, n'est pas fait pour ceux qui n'osent pas y aller, ni ceux qui ne le sentent pas aujourd'hui, ni ceux qui sont fatigués ou dit autrement, les tires au flan (Caserne militaire oblige ;^)). Finalement, je pense que le mitorigeiko est fait pour les frustrés, les frustrés de ne pas pouvoir pratiquer, pour raison physique, médicale, carcérale, que sais-je... Je l'ai vraiment ressenti hier, il faut éprouver, indépendamment de sa volonté donc, une énorme frustration de ne pas y être, pour finalement y participer au moyen du mitorigeiko. Un entrainement par procuration, oui c'est un peu cela. J'imagine que le fait d'avoir une expérience de l'arbitrage participe un peu à cela. Je suis donc monté à bord du Kendo des copains, j'ai ressenti leurs difficultés, leurs réussites... Mais j'ai aussi réussi à monter à bord du Kendô des senseï (de temps en temps), et là c'est énorme ! Pour les gamers, imaginez, un casque à réalité virtuelle, embarqué dans un combat aérien où vous vivez, en passager avec pilote automatique, un combat mené par Monsieur NAGANO comme pilote de chasse

De mémoire, voici la liste de quelques unes de mes observations :

La première de mes observations va à l'ensemble des pratiquants du club de SMK et Pierre qui me connait sait bien que ce n'est pas mon genre de distribuer des compliments à tout va. Il y a une constante chez tous ceux de SMK présents hier soir. Cette constante n'est pas technique, chacun est différent dans sa pratique ce qui démontre qu'à SMK l'enseignement applique la devise de Monsieur NAGANO : "Djibun no hana o sagase yoi" : Il faut s'attacher à faire éclore la propre fleur intérieure ! (la sienne et celle de ses élèves) Cette constante c'est un bon esprit dans l'envie de bien faire, l'application, et surtout, l'absence, même d'un seul, des 4 maux du Kendô que sont : la peur, le doute, l'hésitation et la perplexité. Techniquement : Mention spéciale à Mr TALAZACQ pour son kirigaeshi tsugi ashi (le premier semi statique)

Et puis comme ça vient, et tout de mémoire, preuve qu'il y a eu "impression" :

Vincent LE ROUX, frère de Pierre, pas encore shodan, qui réalise un magnifique tobikomi doh, sorti de nulle part, à FUJISAWA senseï.

Yannick FIANT, sans doute inspiré ;^), qui, après un seme très honorable sur men, développe, plutôt valablement, un harai kote sur le poignet de Monsieur NAGANO.

Yukiko TSUJIMURA-BARDON, après avoir circonvenu plusieurs collègues plus gradés, en mawarigeiko, nous a livré deux superbes keikos avec les senseïs, gonflés de sutemi et d'à propos.

Le KesaGiri de Monsieur NAGANO, ami Iaidokas bonjour, en réponse à une attaque de men, zébrant un peu plus, mais de chaque côté, le Doh de Eric MALASSIS

Deux beaux Keikos, très engagés comme à son habitude de Alain-Nicolas DI MEO. Quelques kote ai uchi men bien dans le timing. Mais bon, à la décharge de INADOMI senseï, il faisait froid et c'était son premier combat. :^)

Voilà c'était, en léger différé du fort Neuf de Vincennes, un petit résumé de mon mitorigeiko d'hier soir (8 décembre 2014).

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