Le championnat du Japon individuel masculin 2022

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Le championnat du Japon individuel masculin 2022

Cet article que j'ai rédigé est paru dans le magazine Ken Do Mag en 2022

 

...l'année des 70 ans de la fédération japonaise,


 
Chaque 3 novembre, jour férié et jour de la culture au Japon, a lieu le championnat national individuel masculins au Nippon Budokan. 

Il est intéressant de noter que le Kendo est la seule discipline au Japon pour laquelle la famille impériale remet le trophée au vainqueur. Cette année, ce fut la princesse Yoko qui assistait, depuis son promontoire isolé et d'un œil avisé, à tous les combats : elle récupéra la coupe du vainqueur précédent lors de la cérémonie d'ouverture pour la remettre au vainqueur du jour lors de la cérémonie de clôture. Accompagnée partout de son garde du Corps de la police impériale : Terachi sensei, Princesse Yoko faisait partie de la délégation des étudiants du Kanto venue en 2006 à Paris au printemps, délaissant ainsi la floraison des cerisiers afin de venir entraîner l'équipe de France. 


Puis vint la traditionnelle démonstration de Kendo no Kata avec Tani sensei et Matsuda sensei. Pour les connaisseurs, ne ratez sous aucun prétexte le fantastique sen sen no sen de Matsuda sensei dans le Ipponme.


La veille, les arbitres avaient reçu, drapeaux en main, les dernières consignes de Koda sensei, en présence de tous les compétiteurs costumés et cravatés pour l'occasion. Tandis que quelques policiers, shinai à la main, étaient responsables de la circulation des arbitres sur le shiaijo. 
Également costumé et cravaté, Œillet rouge enrubanné à la boutonnière, je m'installai à la tribune officielle : les combats pouvaient commencer. 


En élimination directe, se sont affrontés 64 combattants, sélectionnés dans tout le Japon ; autant dire qu'il n'y eut pas vraiment de tour de chauffe. 3 vainqueurs de précédentes années passèrent le premier tour mais ils n'irent pas beaucoup plus loin. Très vite, depuis le début en fait, mon préféré fut Yano Takayuki (26 ans), le petit fils de Yano Sensei bien connu des Français. Tant son kendo technique, équilibré et puissant, que son aplomb en toutes circonstances, en font selon moi un futur vainqueur tout désigné. Il ne s'inclina qu'en demi-finale face à Ando Sho (32 ans). Sho Ando, ayant fait partie de la délégation des étudiants lors du Paris Taikai 2012, excusez du peu, est aussi champion du monde en titre et capitaine de l'équipe du Japon. Et sans faire de jeu de mot sur son prénom, quand il rentre sur le shiaijo, la température montre d'un cran. Et c'est notamment grâce à ce fighting-spirit qu'il se retrouve en finale flirtant au passage, çà et là, avec les limites des nouvelles règles notamment en matière de reprise "équitable" de distance depuis Tsuba-zeriai. Rattrapé en demi-finale par la patrouille "Tani sensei" qui le fit revenir sur la voie de la raison mais cela ne fut pas cher payé au regard de l'ensemble de son œuvre. 


Et nous voilà en finale, un moment qui restera dans les mémoires comme le point d'orgue de ce 70ème anniversaire de la fédération japonaise de Kendo. Murakami Testsuhiko (30 ans) était l'outsider désigné : les pronostiqueurs ne donnaient pas cher de son keikogi en finale contre Ando. Mais c'est crânement que Murakami repoussa les attaques et autres percussions comme autant de tentatives de déstabilisation de la part de Ando. Un koté au Hasuji (tranchant) mal ajusté par Ando, au tout début, aurait bien pu changer la physionomie du combat. Quelques échauffourées éclatèrent où Murakami démontra un flegme empreint d'une fermeté démontrant qu'il était bien dans la course afin faire valoir ses droits à la victoire. Puis il y eut un premier Men, tel se poserait un oiseau céleste sur le bleu 'aizome' (indigo) du casque de Ando. Par la suite, après un morote tsuki à deux centimètres près de relancer le suspens, Ando redoubla d'efforts, tous vains, ce qui laissaient à penser que le doute commençait à s'installer. 


Puis un deuxième Men où le debana Kote de Ando ne rencontra que le vide, donna la victoire à Murakami par deux superbes Men en moins de 5 minutes. Tandis que Ando affichait visiblement sa déception, ce ippon scella la fin de sa dixième sélection à ce championnat : ce qui est exceptionnel. En conclusion, on peut résumer cette finale principalement à la confrontation de deux styles de Kendo, deux personnalités différentes qui se sont opposées, rencontrées, le temps d'un combat donnant ainsi de merveilleux souvenirs à tous les amoureux du Kendo. 

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