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Le pourquoi d’un blog s’appelant : Ma contribution au décryptage des principes de l'apprentissage du Kendô

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Le pourquoi d’un blog s’appelant :  Ma contribution au décryptage des principes de l'apprentissage du Kendô

Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Tout débute avec l’envie de partager ma compréhension des principes de l’apprentissage du Kendô.

Un des reproches que l’on m’a fait un jour, que j’ai pris en fait comme un compliment et que je revendique : « Toi, tu donnes des conseils à des gens qui ne t’en demandent même pas ! ». Oui c’est vrai, j’ai toujours eu cette particularité, dans mes études, dans mon travail et bien entendu dans mon Kendô et bien avant que j’enseigne.

Bien entendu, j’adore enseigner sur le dojo. J’aime transmettre des images, tenter de convaincre du bien fondé de telle ou telle manière apprendre le mouvement le plus optimisé. Il y a cependant pas mal de notions que l’on ne peut pas passer sur le dojo, principalement par manque de temps. Il est vrai qu’on peut le faire aussi au café… je me souviens du dernier stage que j’ai encadré à Belgrade en Serbie. J’avais organisé des discussions, questions réponses, post entrainement… dans un café !

Il commence à y avoir pas mal de Kendô-blogueurs sur Internet, principalement en langue anglaise. Alors je me lance et il me faut choisir un style de blogueur, l’enseignement du Kendô à l’écrit. Mais est-il possible d’apprendre le Kendô en lisant ?

Le style « historien» :

Il en est qui retransmettent le Kendo comme des historiens, et c'est précieux! On les voit prendre des notes et des notes lors des stages, voire s’isoler après l’entrainement pour retranscrire le contenu du cours. Ils savent te dire quel senseï a développé tel ou tel concept tel jour de l’an de grâce 19aa du siècle dernier. OK pour avoir des notions construites, suivies et progressives, cela leur demande un travail de Titan. Ils doivent ainsi regrouper, ordonner, retranscrire et rendre intelligible une pensée qui souvent, mais pas toujours il est vrai, reste « patchwork ».

Ceux ci peuvent y chercher des cautions pour valoriser leur discours ne se trouvant pas suffisamment « référents » pour que leur propre expérience trouve valeur à leurs yeux.

Je ne les rejoins pas sur ce point. En effet, j’estime, même si cela peut paraitre iconoclaste ou hérétique, ces dernière années, j’ai beaucoup plus appris des expériences que j’ai vécues ou auxquelles j’ai assistées, les acteurs étant hauts gradés ou non d’ailleurs, que des discours des senseïs japonais. En effet, le principe éminemment salutaire d’un sans cesse retour au bases fait que les discours des senseïs sont des énièmes répétitions basiques et pas forcément créatives.

Le style « ingénieur technique » :

Et puis, il y a aussi, ceux qui partagent leur expériences, leurs concepts décrivant jusqu’à « la position du 5e orteil du pied gauche au premier jour de la pleine lune ».

Les techniques sont décortiquées, analysées, partitionnées, « chronologisées » et livrées aux élèves comme une démonstration mathématique. Que dire du triangle isocèle ou équilatéral que font les bras le ventre, vu du dessus en shudan no kamae ? (véridique)

Le style « Jibun no Hana » :

Mais au fond, ce qui est important n'est il pas finalement de transmettre les notions qui permettent de « faire éclore la fleur intérieure en chacun de nous » (D’où le nom du blog : Jibun no hana o sakase yo qui est la maxime inscrite sur le tenugi de Nagano senseï).

A mon avis, il est primordial à chacun d'acquérir les bases techniques d'une expression artistique afin que la valeur que chacun développe en lui, au cours de sa vie, s'exprime et ainsi diffuse une émotion. Cette émotion se ressent, par tout autre personne sur le même chemin, ceux sur des chemins différents, mais le plus important est de toucher ceux qui par la suite l'emprunteront et se mettront en chemin.

Et cette roue sans fin continue de s'alimenter des valeurs et des consciences de chacun ce qui rend cet art vivant.

J’ai la sensation d’en avoir perdu quelques uns d’entre vous avec ce dernier développement, non ?

En conclusion, le style que j’aimerais développer est un mélange d’images, de constructives provocations, de contagieuses motivations à pratiquer mieux plutôt que plus, …mais aussi plus pourquoi pas.

Alors n’hésitez pas à me challenger sur mes développements quand vous ne comprenez pas où je veux en venir, à abonder dans on sens en nous faisant par de vos expériences ou à vous exprimer si vous n’êtes tout simplement pas d’accord.

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Le Motodachi, l’Uchidachi ou le manager de la réussite en Kendô

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Un Manager, tel que je le conçois, est un leader, un facilitateur et un coach. Autant de notions dont on pourrait trouver nombre de synonymes. C’est celui qui est responsable, ou « Accountable » (Cf. le « A » du RACI), de la réussite de ce qui est entrepris.

Le manager en Kendô, une nouvelle notion ? …pas vraiment en fait !

Que dire de l’Uchidachi du Kendô no kata, si ce n’est qu’il est le manager de la bonne réalisation et donc du bon apprentissage des katas. Etonnant, ce concept de dire que d’une bonne réalisation des katas en découle un bon apprentissage, ne trouvez vous pas ? En effet, on pourrait croire qu’il faut avoir bien appris pour bien réaliser.

Voici déjà une question ! L’Uchidachi, le Motadachi, le Manager pose les bonnes questions et fait se poser les bonnes questions aux Shidachi, Kakari, élèves.

Une des questions que doit se poser Kakari : Où Motodachi veut il m’amener ?

Dans les Katas, on a coutume de dire que Uchidachi donne notamment la bonne distance mais on entend aussi que le Shidachi doit toujours s’assurer d’être à la bonne distance. Alors qui de la poule ou de l’œuf ? Voici typiquement une façon très japonaise de concevoir une notion, on pourrait même penser que le concept est ambigu. En fait tout dépend du niveau des deux protagonistes et surtout de la maturité du Shidachi. Plus le Shidachi est avancé, plus il devra veiller, par lui-même, à une foule de détails qui lui seront demandés tacitement par Uchidachi et en premier lieu : la distance.

Et inversement, lors des uchikomis, le Motodachi doit faire d’autant plus d’effort pour s’adapter au partenaire que celui ci est novice.

La distance en premier lieu, mais aussi le rythme, la présentation des cibles sur son armure et une énergie communicative sont à mes yeux les principaux éléments sur lesquels les efforts du Motodachi doivent se porter.

Si on parle de distance, de cible et d’énergie communicative on retrouve les trois éléments du kikentaï inhérents au rôle de motodachi.

Le Kikentaï dans le rôle de motodachi du kirigaeshi

Nous savons tous que lors du Kirigaeshi, le motodachi doit présenter sa tête à la bonne distance de frappe du kakari et interposer son shinai lors de l’arrivée de la frappe tout en coordonnant son déplacement avec celui de kakari.

Interposer son shinai se suffit pas à opposer suffisamment de résistance, d’appui et donc de répondant au kakari afin qu’il puisse repartir vers la frappe suivante. En effet, ce qu’il faut c’est au moment de l’impact, délivrer également un te-no-uchi afin de réaliser un impact en retour aussi puissant que la frappe. Pour ce faire, seul une synergie de tout le corps peut donner suffisamment de puissance aux mains lors de l’impact : un Kikentai.

Bien entendu, un kiai sonore n’est pas attendu du Motodachi.

Dans la variante du kirigaeshi en hiraki-ashi, le Motodachi restant sur place, le kikentaï en question peut être tout à fait délivré, le déplacement pourra être remplacé par un léger surbaissement à l’impact.

En partant du Kirigaeshi, on peut décliner le kikentai du Motodachi sur de nombreux exercices, valorisant ainsi l’implication de Motodachi dans l’exercice demandé.

La connexion entre Motodachi et Kakari

Bien entendu, rien n’est possible sans l’établissement d’un lien entre Motodachi et Kakari. D’ailleurs un excellent exercice, pour ne pas dire le meilleur, sur la mise en place de ce lien, et son perfectionnement, est la pratique des Katas.

En termes de rôle dans l’établissement de ce lien, tout dépend des capacités des deux protagonistes à percevoir son partenaire et par là même être en mesure de comprendre, lire, anticiper ses actions, son rythme, sa distance, ses capacités. Imaginez vous quel « super pouvoir » vous auriez si, à tout moment, vous étiez en mesure de connaitre, à coup sûr, ces informations pour tout partenaire en face de vous. Avec quelle facilité vous maitriseriez toute situation !

De cette connexion, avec un peu de pratique, (soyez patients mais persévérants) vous pouvez a minima savoir quand votre partenaire est prêt à agir (se déplacer, attaquer, …). Par la suite, vous comprendrez ce qu’il est capable de faire ou pas, certains même de ces états mentaux comme la peur, le doute, l’hésitation et la perplexité (yotsu no byoki – les 4 maux du Kendô) et utiliser ces informations à bon escient. Encore un peu plus tard, vous pressentirez ce qu’il va faire ou même l’influencer dans ses choix en lui faisant percevoir certaines informations servant vos propres intérêts.

J’ai remarqué qu’avec l’avancement dans la pratique, on devient de plus en plus réceptif à une foule de détails, concernant le partenaire mais pas seulement. En effet, dans les keiko, certains combats qui se passent aux alentours, on en ressent les énergies, kiaïs, vibration des fumikomi,… Les retardataires, on les voit tous arriver même si ils essayent de rester discrets.

Il reste une question que je me pose toujours au sujet de la qualité de cette perception : Notre Kendô progresse t il car cette perception augmente ? Ou bien, cette perception augmente car notre Kendô progresse ?

La droiture, la justesse, la vérité dans la mise en situation

Le Motodachi, de tous temps et plus encore quand l’armure n’existait pas encore, se doit de recréer le plus fidèlement possible la situation de combat.

Plus cette situation est rendue « vraie » et plus ce qu’il veut transmettre au Kakari sera mieux assimilé et utilisé par la suite.

Combien de Uchidachi viennent « trouver » le bokken du Shidachi pour le suriage du 5e Kata ?

Allez, je me lance dans une statistique, sur les 1er à 7e dan que j’ai vu, et même moi quand je n’y prête pas attention, je dirais : plus de 95% ne viennent pas sur le Men. Soit la distance est trop éloignée pour avoir réellement eu l’intention d’atteindre le Men, soit la trajectoire est biaisée pour « être sûr de faire le bruit attendu ».

Mais désolé de vous le dire, c’est très souvent les deux à la fois !!!

Comme résultat, la distance est faussée et la sensation dans les mains, trop lourde, n’est pas la même ; Voire même, le Shidachi ne fait même plus suriage, il attend simplement qu’on vienne choquer son sabre.

Comment voulez vous acquérir la technique de suriage dans ces conditions ???

Toutes les situations créées par le Motachi se doivent de pallier à cet aspect humain. En effet, on altère systématiquement son geste ou son attitude quand on connait « la fin de l’histoire », à moins qu’on y prête une attention et une volonté sans faille.

En synthèse : La génèse et l’essence du motodachi

Le rôle de leader de Uchidachi dans les Katas doit être pris comme un exemple, une trajectoire, un fil conducteur, pour perfectionner continuellement et à chaque seconde, le rôle de Motodachi dans son Kendô en général.

Tout commence lors de la cérémonie d’entrée dans le dojo du Uchidachi suivi du Shidachi, puis du za-reï (salut en seiza face à face avant la pratique des katas).

Uchidachi à tout moment va donner le « top départ » pour chaque action, oui mais quand ? La réponse est portant simple, au moment opportun. Ce moment peut dépendre de tout élément qui sera pris en compte par Uchidachi, qui sait, jusqu’à avoir le silence dans la salle ou même quelque chose de plus intrinsèque : qu’il sente son Shidachi tout simplement prêt à « y aller ». Uchidachi, ayant la responsabilité de la réussite de la démonstration des katas, devra prendre en compte, juger ou ressentir, tout élément contextuel, et agir en conséquence.

Une fois que la perception est bonne, le Motodachi doit réaliser l’action la plus adaptée au contexte et au niveau de son partenaire. Il recrée ainsi la situation la plus réaliste et la plus propice pour apprendre.

L’exemplarité est le concept qui me vient ensuite mais à partir du moment où la perception et l’action sont correctes, on peut dire que l’exemplarité est en très grande partie satisfaite.

Voilà, après avoir écrit ces lignes, je déclare 2015 comme l’année du Motodachi !!!

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