Quelques points de passage vers les hauts grades

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Quelques points de passage vers les hauts grades

Cet article que j'ai rédigé est paru dans le magazine Ken Do Mag en 2022

Il y eut ce passage de haut grades (6 et 7e dan) à Montpellier fin juillet 2022, dans la continuité d'un stage dont le programme était censé aligner tous les candidats au plus près des attentes d'un jury composé pour la circonstance. L’approfondissement des Kihon, la révision des Katas, mais aussi les Jitsugi de passage de grades blancs, commentés par les senseis, en composaient le menu idéal. Pourtant, les taux de réussite n'ont pas correspondu aux attentes, ni à celles de la très grande majorité des candidats (8/49 pour les 6e dan et 1/34 pour les 7e), ni à celles du jury. On pourrait imaginer aisément le jugement péremptoire d'un jury par trop exigeant ; je vous confirme qu'il n'en est rien. Ce qui me fait écrire cet article est la frustration que je ressens de cette situation quand je vois, quand je sens, quand je sais les capacités des candidats déçus.


Pour le plus grand nombre, il ne s'est pas agi d'un manque de niveau technique mais plus de l’absence d’une totale mobilisation consciente et déterminée sur les attendus d'un passage de haut grade. Je vais donc vous en proposer un vade-mecum en vue de la préparation des prochaines échéances. 


En premier lieu, la base de tout : l'état d'esprit, que bien entendu le jury ne peut voir en tant que tel. En fait, le jury ne peut qu'en percevoir les conséquences, la première d'entre elles étant la Posture. Sans cette posture mentale induisant cette posture physique, rien de fort, rien de pertinent, rien de déterminant, rien de réellement abouti ne peut surgir de nous-mêmes. Le but n'est pas de tous nous ressembler, nous cloner, mais plutôt de revêtir cette singularité exacerbée démontrant que nous nous connaissons nous-même suffisamment afin d'en mettre en œuvre le meilleur. Cela s'exprime naturellement, sans y penser, par la démarche, le maintien, la solennité, la maitrise de nos gestes et de nos émotions. SHIMOJIMA sensei, encadrant ce stage avec KASAMURA sensei, nous a dévoilé que 50% de son jugement résidait dans le Sonkyo. Il se doit d'être digne, puissant, ample dans le dégainé du Sabre et déjà exprimant le Seme.


On pourrait croire que, chronologiquement, le Kiai arrive ensuite et pourtant, dans l'état d'esprit et l'attitude, le Kiai devrait déjà être bien présent. Qui croit encore à ce niveau que le Kiai n'est que le son qui sort de notre bouche ? Le Kiai représente ce que nous rassemblons en nous même pour affronter la situation ; le son n'en est que la résultante mais aussi et surtout, il en est la criante démonstration. L'œil et l'oreille exercés d'un juré d'examen ne s'y trompent pas : les jeux sont faits. Il peut y avoir des exceptions et les 2 combats sont là pour détromper ce préjugement mais comme le disait Michel Audiard par la voix de Jean Gabin : "Il existe aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre !"


Souvent dans un passage de grades, et le début de cet article pourrait être compris comme tel, la tendance naturelle est de se focaliser sur les attentes du jury. C’est une erreur que nous faisons tous, le jury n’est pas celui que vous devez convaincre ;le premier : c’est vous-même ; et juste après : votre partenaire. Le jury n’est qu’un instrument de mesure qui ne doit surtout pas influer sur l’expérience. Il existe aussi un concept qui peut nous libérer, nous désinhiber : considérer les Jitsugi comme des shiai un peu particuliers : Des combats où seuls n’ont de valeur que les ippons que nous réalisons. Tant que nous restons dignes affrontant l’adversité et que nos techniques et attitudes se rapprochent le plus possible du Kihon, toutes nos actions complètement délivrées, réussies ou non, n’apporteront que du positif au compteur des six décisions*.


A part quelques Nigirikata laissant, en Kamae, dépasser la tsuka de la main gauche, j'ai plutôt perçu un bon niveau général sur ce passage. Le niveau technique est souvent ce que nous pensons devoir démontrer en priorité et pourtant, les candidats reçus à ce passage n'en étaient pas les meilleurs porte-paroles. 

 

Et je conclurais cet article par deux exemples probants : deux des nouveaux 6e dan issus de ce passage de grades ont magistralement réalisé une prestation réussie en tous points. Ils n'ont nul eu besoin des enseignements de cet article tellement il est clair qu'ils vivent ces notions au quotidien. Ces deux jeunes 6e dan étaient les plus âgés ce jour-là, ils avaient tous deux 74 ans.

 

* J’ai écrit cet article en m’associant systématiquement aux receveurs des conseils que j’y dispense ; ma récente tentative du 8ème dan a démontré depuis que je devais effectivement les appliquer également à mon cas personnel.
 

Ci dessus, le passage de mon 9e kyu

Ci dessus, le passage de mon 9e kyu

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