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"Il n'y a pas de défenses en Kendô ! " - Claude HAMOT -

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Merci à JudoMag pour sa couv' #298

Merci à JudoMag pour sa couv' #298

Article paru dans le numéro de septembre 2015 de la revue Judo, par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô.

Pour cet article, je vous propose ma réponse à la question suivante, que se posent de nombreux pratiquants, ici formulée par Jean-Yves Gorgé professeur du Club de Kendo de Bergerac : "Pourquoi les personnes pratiquants le Kendo en armure voient elles apparaitre des gestes parasites de protections inutiles alors que si ces mêmes personnes travaillent sans armure le kihon au bokuto ou le Kendo no kata par exemple, ces gestes parasites disparaissent. La protection que nous confère l'armure n'est elle qu'une illusion ? "

Monsieur Nagano...

Juste une parenthèse pour ceux qui se demandent pourquoi je n'écris pas Nagano senseï. Et bien dans le "non dit collectif du Kendo français à travers les âges", j'ai remarqué que les senseïs, qui viennent en france régulièrement, et envers qui la reconnaissance du Kendo français est immense, évidente et perçue par tous, se trouvent, implicitement, tacitement et universellement décorés du titre de "Monsieur". Intéressant non ? Monsieur Nagano donc, en stage d'enseignants nous avait réunis en groupes de travail pour plancher sur la question suivante : "Quelle est la différence entre le sport et le Budo ?" Après une heure de délibérations sans trouver de consensus sur la réponse, Monsieur Nagano nous la livra en quelques mots : le rapport à la Mort. Sans pour cela être ni macabre, ni même sinistre, il s'agit juste de concevoir, intimement et sans y être contraint par un âge avancé, un rapport direct et sans hypocrisie avec cet épilogue, cette conclusion de notre oeuvre de vie.

Et pour illustrer :

Un des principes du Bushido : "Quand tu te retrouveras au carrefour des voies et que tu devras choisir la route, n'hésite pas : choisis la voie de la mort." « Ceux qui s'accrochent à la Vie périssent, ceux qui au contraire embrassent la Mort vivent. » (Uesugi Kenshin, à l'adresse de ses vassaux) Sans doute faut il apprendre de ces textes anciens, écrits aux alentours de périodes troublées, que d'accepter l'inéluctable permet au mieux de s'en prémunir ou pour le moins de l'affronter avec la dignité qui sied à la fonction de Bushi. Miyamoto Musashi inspectant les troupes d'un daimyo dont il était l'invité, détectait d'un seul regard ceux qui donneraient leur vie sans hésiter pour leur seigneur.

Tout ceci, me direz vous, est bien loin de nos vies civilisées du 21e siècle, et pourtant....

C'est à mon avis la réponse à la question posée : qu'est ce qui pousse à se protéger durant un combat de Kendô si ce n'est cette absurde et irrépressible envie de survivre à ce combat au sabre de bambou, sans risque réel, mais un combat à mort... virtuelle.

Une fois cette appréhension du bambou dépassée, l'étape suivante vient avec la considération que l'on porte au combat de Kendô, cette capacité à concevoir virtuellement, dans ses keikos, un combat réel au Sabre. Il s'en suit donc une nouvelle difficulté, celle d'affronter la mort par le Sabre. Ce sont à mon avis parmi les épreuves qui nous amènent à progresser significativement sur la voie du Sabre.

Et pour ne plus essayer vainement de survivre inutilement à ces morts virtuelles...

J'espère, par cet article, vous convaincre que par ce biais, qui n'est en fait qu'une droiture, vous tirerez le plus grand profit d'une mort au combat. En effet, puisque, au final, vous y survivrez et vous en tirerez, qui sait plusieurs fois même par minute, les plus précieux des enseignements. Par conséquent, il suffit de ne plus craindre de perdre le ippon, de ne plus être sensible à ce froissement, cette vexation, qui fait jusqu'à piquer une crise de nerfs aux égos les plus démesurés.

Détaché de l'idée même de réussite ou d'échec, porté par votre sutemi ainsi désinhibé, vous ne serez alors plus que positif, constructif par votre menace et conclusif par vos attaques. Votre Kendô n'en sera que meilleur.

Et comme l'écrivait Musashi dans son Go rin no sho : "Travaillez bien cet aspect !"

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