30 mn pour 30 ans de recherche du Ki Ken Taï no Itchi

Publié le par Jean-Pierre Labru

Conférence du 04 avril 2021 

Lorsqu'on m'a demandé une intervention sur le Ki Ken Tai no Itchi (KKTnI), j'ai commencé à faire une analyse de mon ressenti sur ce point tout en me remémorant et intégrant les étapes par lesquelles j'étais passées pour en être à ce que je produis aujourd'hui comme KKTnI.

J'ai identifié 4 étapes, étalées sur plusieurs dizaines d'années de pratique d'une intensivité somme toute assez relative comparativement à des professionnels japonais pratiquant plusieurs heures par jour tout au long de leur carrière.
Il existe peut être un avantage dont je peux avoir profité pour favoriser mes progrès. Je l'identiferais comme une pratique explorative, en conscience, avec une constante remise en question de ce que je crois avoir acquis et ceci sans tomber sur une dépréciation systématique de mes réalisations.
J'ai donc réussi à réaliser la catégorisation des 4 étapes suivantes.
Il faut voir ces étapes comme réparties sur longue période d'où le nom de cette intervention : "30 mn pour 30 ans de Ki Ken Taï no Itchi"
Afin de percevoir l'imbrication de ces étapes, vous pouvez imaginer des poupées russes. La première étape représente la plus grande des poupées ; grande… et creuse. Les étapes suivantes viennent en combler le vide intérieur et ainsi donner une densité progressivement de plus en plus forte du KKTnI.


Etape 1 : La Synchronisation 

Prenons ici le KKTnI comme une équation du type (Ki + Ken + Taï ).T = KKTnI où les 3 éléments du KKTnI se consolident à  l'instant T.  

Cette première étape a représenté pour moi l'époque de mes débuts jusqu'au 2ème dan consommé; Soit une dizaine d'années, en effet, ayant commencé enfant, je n'ai passé mon 2ème dan qu'à l'age de 18 ans.

Pendant cette période de notre pratique, deux KKTnI nous sont enseignés : celui du suburi avec une synchronisation sur le retour du pied gauche (suri-ashi) et un deuxième, nous induisant à nous synchroniser Kiai et frappe du sabre lors de l'impact du pied droit sur le sol (Fumikomi-ashi).

Cette double explication du KKTnI peut s'avérer quelque peu troublante pour ceux comme moi, qui essayent de comprendre intellectuellement la chose.

A ce stade là, il faut travailler les deux en se disant que plus tard, dans la poupée russe suivante, nous découvrirons pourquoi et comment, si et seulement si la qualité de travail en conscience aura été régulière sur ces deux aspects premiers du KKTnI.


Etape 2 : Transmission solidienne

La transmission solidienne est notamment une notion liée au bruit. Le bruit étant une onde, s'il rencontre un solide qu'il peut faire vibrer et lui faire ainsi transmettre son onde, le bruit peut traverser une cloison et nous faire sentir un petit peu comme si nous partagions plus que des relations de politesse avec nos voisins.

Cette période dans ma progression du KKTnI voit s'ajouter à l'étape précédente, une notion de transmission de la puissance de notre corps dans notre coupe. Cette notion dont parle Monsieur Yoshimura :"poser votre ventre sur votre sabre".

J'ai également pratiqué un peu le Jodo et notamment le suri-otoshi du Jodo qui m'a fait appréhender et intégrer cette notion à ma pratique. J'ai l'ai retraduit par "venir s'asseoir" sur le sabre du partenaire afin qu'avec nos mains seules, il ait l'impression d'avoir tout notre corps s'appesantissant sur sa lame lors du suri-otoshi.
C'est donc à ce moment là de ma pratique que j'ai commencé à me rendre compte des aspects de cohésion corporelles rattachées à la notion de Hara. Oui, il se passait quelque chose dans cette région là; quand j'étais vraiment bien concentré, que mon Kiai était à son maximum et donc que sa préparation était suffisamment intense. 
Et donc par ces recherches de cohérence, le ventre, centre de production, de rassemblement d'énergie est un peu comme un réservoir, rempli de la respiration, intensifiant la cohésion globale du corps et qui permet de se rattacher les moyens de locomotion que sont nos pieds : notre ashisabki, mais aussi notre sabre.

Beaucoup de Kakarigeiko, Kirigeashi après… le volume mais pas seulement, surtout ne pas se mettre en mode automatique et attendre que cela passe.

Alors oui, je ne cache pas que j'ai souffert quelque peu dans mon corps certaines fois mais aussi dans mon orgueil quand on sent que notre volonté faiblit alors qu'une petite voix nous dit, "ça suffit, pourquoi fais tu cela ? Arrête…".

C'est alors, entre vous et vous-même, que vous vous apercevez si vous pouvez, si vous avez la force intérieure pour, surmonter cette difficulté. Et cette volonté qui grandit votre Kiryoku vous permettra d'accéder, qui sait, à la poupée russe qui vient après…

Et donc cette transmission solidienne, que nous permet cette synergie de tout le corps à l'impact du KKTnI, transmet l'onde de notre puissance du déplacement, de notre ferveur et détermination, dans la cible atteinte par notre sabre.

Cette cible d'ailleurs nous renvoie tout un lot d'informations, captées à travers l'intimité produite par les mains étroitement reliées au Sabre.

Ces vibrations nous informent sur la zone frappée, la qualité de notre coupe, la pertinence de notre action en général.

Confiants que nous sommes en notre toute récente réussite, nous pouvons ainsi délivrer un zanshin serein et jubilatoire.


Etape 3 : la catalyse

L'explication de cette étape-ci requiert une certaine capacité d'acceptation de l'intangible car c'est sur ces terres que je vais m'aventurer.
Je vous livre ici une réflexion par rapport à ma pratique personnelle et pour laquelle maitre Kong disait : "L'expérience est une lanterne qui n'éclaire que le chemin parcouru !"
En souhaitant que malgré tout, mes mots éclairent par chez vous également… 

Définition du Net : "Le phénomène de résonance s'accomplit lorsque l'amplitude des oscillations d'un système augmente sous l'influence d'impulsions régulières, de fréquence voisine de la fréquence propre dudit système."

Il faut se figurer ici la montée en résonnance de notre propre corps,

  • Le Ki, Kiaï, la ferveur comme un catalyseur du...
  • Tai, le corps, qui, par sa montée en disponibilité explosive peut décupler la puissance du...
  • Ken transmettant la vibration de puissance lors de la frappe.

Ces 3 énergies potentielles qui enflent, s'entrelacent et s'auto alimentent l'une l'autre pour converger de façon irrémédiable et surtout déterminée par nous même, vers un point précis dans l'espace temps du combat : le Yukodatotsu.

Quand on délivre une frappe de la sorte, la vibration profonde ressentie résonne aussi en nous comme un accomplissement; et quand on reçoit également cette frappe, par cette vibration, le sentiment que l'on ressent fait qu'il n'est pas possible de nier avoir été battu et souvent cela se voit sur l'attitude corporelle générale.

Je vous souhaite à tous, ainsi qu'à moi-même, de pouvoir expérimenter cette phase le plus souvent possible.

Etape 4 : le Kikentai statique

Je me souviens qu'un jour, Jean-Pierre RAICK m'avait parlé d'une notion de KKTnI pour la position "statique" de Chudan no Kamae. Sur le moment, je n'avait pas été réceptif mais je m'étais dit, celle-ci je la garde pour plus tard.

Ce n'est que très récemment, que j'ai commencé à en percevoir les bénéfices potentiels.

Il m'est arrivé à plusieurs reprise de me sentir "confortable" en Chudan no Kamae.

Confortable, non dans le sens de s'y reposer avec délice, mais plutôt un sentiment de puissance adaptative et disponible, stable et confiant.

Je me souviens d'une fois où les diverses tentatives d'attaques de mon partenaire, pourtant 6e dan émérite, me semblaient légères et empesées dans un même temps.

Mon sabre était au centre, et quoi que mon partenaire tente, il se heurtait à une contre attaque, ou un contre seme qui le faisait se retrancher, temporairement, jusqu'à ce qu'une de mes coupes ne viennent le débusquer et le faire résonner profondément.

Ce type d'expérience ne m'arrive encore que trop rarement même si je cherche à les reproduire encore et encore.

Et c'est maintenant que, Jean-Pierre, ta phrase me parle plus de 20 ans après : Merci !

 

Conclusion

Voilà, quand on fait la somme, c'était le compte rendu de plus de 30 ans de recherche autour du KKTnI. 

En espérant vous avoir fait gagner, ne serait-ce qu'un peu de temps sur votre propre recherche.

A très bientôt pour expérimenter ensemble tout ceci sur les planchers.

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